Un projet de déscolarisation, d'éducation, d'instruction
et de Socialisation. Une clairière éducative, dans le Bois
de Vincennes.
Ecrit en 1981
La Maison des Enfants... . Entre les théâtres
de la Cartoucherie et le Poney Club, vivent environ 28 enfants entre 2
et 10 ans, qui gardent de belles joues roses d'enfants de la campagne.
Ils ont une maison blanche avec des volets bleus, un jardin qu'ils cultivent,
avec des fleurs, des fraisiers, et un grand espace de jeu planté
de marronniers, de lilas, de cerisiers.
Sur le mur, entre deux volets, une fresque peinte par des enfants. À
l'intérieur, un papa et une maman préparent le repas de
midi. Pendant ce temps, les plus petits des enfants s'affairent autour
de tables sur leur grand cahier.Ils dessinent une souris, parlent de mulots
et de rats d'eau car ce matin, juste à la fin de la réunion
où tous discutent des problèmes de la veille et de ce que
va être la journée, le chat des enfants est arrivé
avec une souris dans sa gueule. Ils ont observé le comportement
de Figaro, le chat, en le critiquant sévèrement, ou en s'en
amusant. Il en a perdu sa souris et un débat s'est amorcé.
Figaro était-il méchant?Comment vivent les souris? D'autres
jouent avec des legos, un groupe dessine et quelques enfants écoutent
une histoire que leur lit une des permanentes qui travaille dans ce lieu.
Les plus grands sont montés, et avec eux, Pomme la chienne briarde
noire. C'est le jour où ils travaillent sur la réalisation
du journal "Les Crocos d'îles". Chacun a une responsabilité
: il y a des maquettistes, des correcteurs, des graphistes, des gestionnaires.
Pour les textes et les enquêtes, ils sont organisés en comité
de rédaction. Pour cet atelier, les deux groupes de base des grands
travaillent ensemble.Aujourd'hui un groupe décrypte une interview
faite lors de la classe blanche, auprès d'une école différente
de Mulhouse. D'autres réalisent les illustrations après
concertation avec les maquettistes.
Chaque matin il y a la réunion du coq avant de démarrer
la journée. C'est une prise de contacts.Les enfants en profitent
pour partager ce qu'ils ont vécu à l'extérieur ou
ils reprennent ensemble des problèmes restés en suspend
de la veille. Après les ateliers Bases du matin, et le repas, nous
démarrons l'après-midi par une petite réunion pour
parler des ateliers, et de comment les enfants se répartissent
entre eux. En général il y a deux ateliers structurés
comme archéologie, peinture, expression corporelle, bricolage,
anglaise, temporalité, sculpture etc... une troisième personne
s'occupe de ceux qui ne veulent pas des ateliers proposés ou qui
se fatigue plus rapidement, et de ceux qui font la sieste.
Au cours de la réunion hebdomadaire "répartition",
les enfants choisissent leur charge : (aide aux parents pour le repas,
service de table, animaux, gestion, planning, etc...).
Chaque semaine à la réunion "Point d'Interrogation,
les enfants reprennent ce qui a été écrit sur le
cahier" ralâge", ce qui amène à aborder
souvent des sujets importants à partir d'accrochages entre eux
et parfois de modifier le règlement. Nous travaillons à
sensibiliser les enfants sur les cotés néfastes qu'ils ont
souvent de s'enfermer mutuellement dans des images ou étiquettes
qui les empêchent de progresser. Si "X" est brutal ou
"y" menteur, c'est une manifestation momentanée, une
sorte d'appel. Quand un enfant arrive avec des problèmes, il progresse
avec l'aide des autres enfants et il les fait évoluer. Peut-être
est-il important de préciser qu'il est demandé à
chaque enfant après une période d'essai, s’il est
d'accord pour vivre dans ce lieu, s’il en accepte l'éthique
basée sur le respect de l’autre.
Tous les lundis, une réunion "pédagogique" permet
aux permanents, avec la participation des intervenants,de personnes extérieures
et de parents s’ils sont responsables d’un atelier, de reprendre
le fil de la semaine et de faire le point sur le travail et les enfants.
Cette expérience a démarré, il y a 11 ans. Trois
comédiennes du théâtre du soleil s'étaient
organisées entre elles pour la garde de leurs jeunes enfants, en
payant une jeune femme pour veiller sur eux, dans une roulotte prés
du Soleil. Elles décidèrent avec d'autres amies d'élargir
cet embryon d'alternative à la crèche à d'autres
enfants. Le théâtre décida que le groupe pouvait investir
la maison blanche qui était à l'abandon, et ainsi commença
l'assainissement du bâtiment et son aménagement. En 76, une
jeune femme veillait sur une dizaine d'enfants entre 1 et 3 ans. Comme
projet : leur bien-être. Les parents géraient le lieu, et
faisaient les repas à tour de rôle.
En 1980 les plus grands avaient 7 ans. Entre temps le projet commençait
à s'élaborer, au fil des réunions de parents, et
grâce au travail fait par les permanents, alors au nombre de deux.
Mais cette année-là a vu se dessiner une opposition entre
des parents qui étaient pour un projet de socialisation et d'éducation
et un groupe d'autres parents qui préféraient "le laisser
faire"croyant ainsi assurer le bonheur de leurs enfants.
Les premiers l'emportèrent d'une voix de majorité et élaborèrent
ainsi la première plate-forme pédagogique à laquelle
tout nouveau membre devait acquiescer, qu'il soit parent, intervenant
ou permanent.
L'expérience que nous vivions devint une alternative à l'école
maternelle et à l'école primaire : nous commençâmes
à réfléchir sérieusement sur les méthodes
d'apprentissage de ce que nous appelons les outils de base (lecture, topologie,
concepts opératoires, écriture). Nous avons constaté
qu'il n'y avait pas "la bonne méthode" mais des méthodes
en fonction "des objets pour penser avec"de chaque enfant.
Nous voulions une dynamique qui privilégie l'autonomie des enfants,
leurs singularités, leur responsabilisation, une vie de groupe
avec le droit à la différence, le respect de l'autre et
de ses rythmes. Une pédagogie qui prenne en compte dans chaque
type d'apprentissage les préoccupations des enfants en mettant
à leur disposition des champs d'utilisation afin que chaque apprentissage
ait un sens.
Nous essayons de laisser au savoir sa valeur vitalisante,c’est-à-dire
qu'un apprentissage a pour condition nécessaire d'avoir un sens
pour celui qui apprend. En pédagogie c'est malheureusement le plus
souvent la dernière roue du carrosse. Nous pensons que c'est primordial,
et, si ce sens n'existe pas, nous essayons de comprendre ce que cela signifie,
en le prenant en compte dans le respect de l'enfant. Là chacun
apprend à être responsable de soi et de son agir envers les
autres. Nous essayons de faire vivre un lieu où l'organisation
est condition de liberté et d'éthique, et la liberté
et l'éthique conditions de l'organisation.Ainsi peut naître
la parole des enfants, parole qui les pose dans le partage comme existence
en devenir, si elle est prise en compte avec le respect qui leur ait dû,
comme sujets vivants.
par Esther Joly
courriel :
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Au milieu des arbres, des écureils, entre des théâtres,
un lieu et un projet potentialisateur d'entre-deux symboliques,
pour grandir, aimer apprendre et s'enrichir d'une dynamique de socialisation
et de responsabilistation.
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